LES BROCHARD SOUS LA TERREUR

 

En 1793, au moment où Robespierre et le Comité de salut public prennent le pouvoir, on ne compte que 15 La Rochebrochard dont 6 enfants :

Sur les quatre hommes, trois seulement sont valides. François-Xavier- Joseph est "perclu de rhumatismes et marche avec deux batons" (1). On ne sait pas ce que Fidèlee-Amant a fait pendant cette période. Peut-être a-t-il rejoint son frère en Angleterre, ou bien est-il resté au Theil ?

 

BENJAMIN et CHARLES-EVREMOND

 

Reste deux hommes: Benjamin et Charles-Evremond qui ont émigré en Allemagne, et se sont engagés dans l'armée des Princes. On trouve Benjamin en 1792 dans l'escadron des gentilshommes du Poitou à Malmédy, en 1793 à Dusseldorf, en 1794 à Liège; de là, il passe en Angleterre, puis en Martinique (2). Charles-Evremond fait la campagne des Princes en 1792, et passe en Angleterre. Tous deux reviennent en France en 1800. (3)

 

JULIE. RADEGONDE ET EULALIE   (4)

Les familles des deux émigrés sont immédiatement arrêtées et internées à Niort :

 

Ils sont transférés du donjon au couvent des carmélites, puis dans la maison même des Brach, et ensuite dans celle d'Auzy du Fief. Les municipaux, ne sachant que faire des enfants, surtout des plus petits, Mlle de Grimouard, également incarcérée, proposa de les envoyer chez elle, rue Basse. M. Berthelin de Montbrun, beau-frère d'Eulalie, et qui avait conservé la liberté, obtint d'emmener les enfants chez lui à Aiffres.' (5)

Julie est dirigée sur Brouage avec sa sœur Radegonde. Mais sa mauvaise santé ne lui permet pas d'aller plus loin que St Jean d'Angély où elle fait venir ceux des membres de sa famille qui étaient restés à Niort, et qui avaient été remis en liberté.

Radegonde continue sa route jusqu'à Brouage, et y reste jusqu'à la fin de la Terreur.

 

LES DETENUS A BROUAGE (6)

 

Parmi les 617 détenus à Brouage, on compte 172 nobles, dont 79 hommes et 93 femmes. La ville, encerclée par les marais, compte peu d'habitants. On loge les 'suspects' dans les casernes, l'hôpital et le couvent des Récolets, désertés depuis longtemps.

Dans les souvenirs qu'on a recueillis, tous se plaignent du climat, mais personne de mauvais traitements. La mortalité n'est pas plus élevée qu'ailleurs à cette époque, et la Marine de Rochefort approvisionne les détenus au moment de la famine. On peut se promener sur les remparts, et le jardin des Récolets est un lieu de rendez-vous où les darnes se montrent en toilette plus soignée le dimanche. (7)

Brouage n'est pas un camp de concentration au sens moderne du mot. Mais les conditions d'hygiène devaient laisser fort à désirer dans ces bâtiments désaffectés. Le plus dur était sans doute la promiscuité et l'angoisse pour le lendemain-

M. d'Abzac raconte: 'Dans la pièce qu'occupait ma mère, logeait aussi une dame de sa connaissance, Madame de Riouf. Elle avait deux filles, l'ainée un peu plus âgée que moi, et la cadette de l'âge de Constant. 'Nos lits se touchaient tous; à la place des rideaux, nous avions des 'moustiquaires'. (7)

Un jour, Madame de Bonsonge, originaire de Marennes, sentant les premières douleurs de l'enfantement, demande à être isolée pour donner naissance à son enfant. 'Citoyenne, lui répond-on, on accouche partout l' (7) Excellente réplique pour une comédie de Boulevard, mais, à Brouage, on ne devait pas avoir le cœur à rire.

 

Cependant Radegonde eut un puissant réconfort dans cette épreuve. Elle se retrouva en famille ! Il y avait :

Louis Janvre de la Bouchetière et ses deux filles, Jacobine et Céleste (10). Louis avait épousé Julie Grignon de la Pélissonnière, fille de Marie-Anne-Françoise de La Rochebrochard, une autre tante de Radegonde.

A Brouage, le clan Jourdain-Conty-Janvre-La Rochebrochard ne devait pas passer inaperçu. Il représentait presque 10% des femmes de la noblesse. C'est à Mlle de Conty que l'on doit la liste des 617 détenus à Brouage. On imagine très bien le 'clan' participer à ce travail de fourmi passe-temps aussi dérisoire que tonique pour le moral.

 

LES D'AUZAY D'ETRIE

 

L'insurrection vendéenne éclate au mois de Mars 1793. Pour faire face à l'invasion des alliés, la Convention venait de décréter la levée de 300.000 hommes.

François-Xavier-Joseph, sa femme et ses deux enfants sont immédiatement arrêtés. Le 26 Mars, ils sont enfermés au château de la Forest-sur- sèvres, transférés le l er Mai à St Maixent, et le 16 Mai au couvent des Ursulines d'Angoulême, transformé en prison. Deux années de détention, avec la menace d'être massacré par une populace en furie, comme ce fut le cas six mois auparavant à Paris pour plus de mille prisonniers détenus aux Carmes et à la Conciergerie ..., c'est la terreur.

Dans la séance du 8 Messidor, le Comité révolutionnaire de surveillance de Bressuire fait 'le tableau de la conduite politique du nommé Brochard d'Auzay', puis celui 'd'Yversay femme Brochard d'Auzay'. Les deux 'tableaux' sont rédigés presque dans les mêmes termes, avec quelques variantes fort significatives (11)

'Brochard d'Auzay, demeurant à Etrie, ...âgé de 60 ans, marié, ayant '2 enfants de l'âge de 11à 14 ans, maintenant détenu à Angoulème.

'Ces 2 enfants ne sont avec lui que parce que lui-même demanda la permission de les garder, l'âge de ces 2 jeunes gens les met hors de soupçons 'Il est détenu ...comme suspect à cause de sa qualité de noble ...Il 'n'a jamais existé de relations entre lui et les patriotes: tout nous 'porte à croire qu'il en avait avec les aristocrates du dehors et du de- 'dans; ses liaisons étaient avec les prêtres réfractaires et les nobles 'du pays ...; son caractère politique est celui d'un ennemi décidé de la 'Révolution'

'Yversay, femme Brochard d'Auzay ...âgée de 42 ans, ayant 2 enfants de '11 à 14 ans, en arrestation avec elle. Ces 2 enfants ne sont avec elle 'que parce qu'elle demanda et obtint la permission de les garder ...

'Elle est détenue depuis le commencement de la guerre de Vendée comme 'suspecte ...Tout nous porte à croire qu'elle avait des relations avec 'les gens de son espèce; ses liaisons étaient avec les cy-devant nobles 'du pays ...Ayant beaucoup d'esprit, elle ne manifestait point sa façon 'de penser devant les patriotes: nous savons cependant que son caractère 'politique était celui d'une aristocrate'.

C'est le Comité révolutionnaire lui-même qui reconnaît beaucoup d'esprit à Marie-Françoise Jousselard d'Yversay. C'est bien le souvenir qu'elle a laissé et qu'évoque Zénaïde, sa petite fille: 'Elle avait la 'plus grande part de l'autorité qu'elle exerçait du reste, avec fermeté 'et intelligence' (12)

 

De la fermeté et de l'intelligence, elle en a montré lors de son arrestation. Le Comité révolutionnaire est manifestement embarrassé par ces deux enfants. Il précise que le père 'a demandé la permission de les garder', et que la mère 'demanda et obtint la permission de les garder'. C'est bien la mère qui a 'obtenu'.

Mais, en fait, a-t-elle 'demandé' ? Les hommes qui ont procédé à l'arrestation n'avaient pas de mandat d'amener pour les enfants. On pense aux scènes déchirantes d'enfants séparés de leurs parents par les S.S.

lors des départs en camp de concentration. Marie-Françoise, avec une énergie farouche, s'est opposée de toutes ses forces à cette séparation. Pendant deux ans, elle a gardé ses enfants en prison avec elle.

En leur absence, Etrie est pillé et brûlé. Remis en liberté en 1795, les d'Auzay reviennent à Poitiers. 'C'est dans cette ville que leurs

'enfants firent la première communion, Philippe-Xavier, le 25 Juin 1795, 'et Charles-Xavier, le 12 Octobre 1796, tous deux à l'àge de 14 ans' (13).

 

LA GUERRE DE VENDEE

Dans son livre intitulé 'Généraux et chefs de la Vendée militaire' A. de Nouhes cite un La Rochebrochard, capitaine de Grignon en 1799.

Ce ne peut être ni Benjamin, ni Charles-Evremond, qui ne sont rentrés en France qu'en 1800. Reste Fidèle-Amant.

Ce Grignon (Joseph-Gabriel-François) était le petit fils de Marie-Anne- Françoise de La Rochebrochard.

Si les La Rochebrochard n'ont pu associer leur nom à celui des La Rochejaquelein au moment du premier soulèvement, ils l'ont cependant inscrit dans la liste des derniers combattants.

---------------------------------------------

1) Lettre de François-Xavier-Joseph écrite en 1795.

2) Le grand-père d'Eulalie avait été gouverneur de La Martinique, et son père s'y était marié. Dans le fonds Brochard, aux Archives Départementales des Deux-Sèvres, on trouvera un gros rouleau sur La Martinique.

3) De Saint Allais, Nobiliaire universel de France, 1815, tome IV, page 125

4) D'après les états du tribunal criminel de Niort, relevés par Henri de La Rochebrochard ( 14 15. a) .

5) Henri de La Rochebrochard, Cahier de notes sur les Deux sèvres.

6) Beauchet-Filleau, 'Les détenus de Brouage', dans la Revue du Poitou et de la Saintonge, année 1895, numéro 92.

7) E. et J. Vigé, Brouage camp de concentration, pages 8 à 12.

8) Beauchet-Filleau, Article JOURDAIN, pages 323 et 324.

9) Beauchet-Filleau, Article CONTY, pages 604 et 605. 10) Beauchet-Filleau, Article JANVRE, page 241.

11) Marie-Anna de Tinguy 'Les ascendants de mes enfants' 1 page 179

12) Marie-Anna de Tinguy 'Les ascendants de mes enfants', page 183. 13) Marie-Anna de Tinauv 'Les ascendants de mes enfants' , page 181.